« Du bonheur américain au malheur philippin : La carrera de Cándida (1921) de Guillermo Gómez Windham (1880-1957) »
Résumé
Le roman philippin La carrera de Cándida, publié en 1921, rend compte de la domination culturelle qu’entend exercer la nouvelle puissance coloniale, les États-Unis, depuis 1898 aux Philippines. La thématique du bonheur s’avère à ce titre éclairante. L’imposition des valeurs nord-américaines est à l’œuvre dans la course de Cándida vers le bonheur qui donne son titre au roman – La carrera de Cándida –, un bonheur tel que le définit le nouveau modèle culturel dominant : la réussite obtenue individuellement par le travail et l’effort personnels, selon une recette pré-établie impliquant, pour les femmes, une émancipation sociale. Cándida, une modeste paysanne, aspire à ce bonheur à l’américaine, mais ses efforts débouchent sur un malheur tout philippin, où la chute sociale se double d’une déchéance morale. Gómez Windham inscrit ce type littéraire philippin de la jeune fille naïve dépravée par la culture yankee dans une critique plus large. Il pointe les disfonctionnements de la société philippine, l’archaïsme et l’iniquité de ses structures. Il expose l’ambiguïté des mécanismes de domination où la victime s’avère complice de l’ordre qui la broie. Cándida, sans le savoir, participe de la reproduction du système auquel elle cherche à se soustraire ; c’est en cela aussi que consiste le malheur philippin qui la frappe.
Mots-clés : Philippines, littérature, Gómez Windham, bonheur, culture, domination