Allégories de la défaite chez deux peintres philippins : Spoliarium (1884) de Juan Luna et Las vírgenes cristianas expuestas al populacho (1884) de Félix Hidalgo»
Résumé
Deux huiles sur toile de jeunes peintres philippins se distinguent à l’Exposition Nationale des Beaux-Arts de 1884, à Madrid : l’imposante Spoliarium de Juan Luna y Novicio (1857-1899), aujourd’hui l’œuvre la plus célèbre des Philippines, et Las vírgenes cristianas expuestas al populacho de Félix Resurrección Hidalgo (1855-1913). Toutes deux représentent des vaincus dans le cadre de l’Antiquité romaine, cher au style néo-classique alors en vogue dans les salons. Il s’agit de revenir sur la représentation de ces figures de la défaite d’abord, et sur leur réception en 1884 parmi les ilustrados philippins en Espagne ensuite. La figure du vaincu chosifié pour le plaisir des Romains est interprétée comme une allégorie dotée d’une charge critique contre le système colonial par les ilustrados du Mouvement dit de Propagande, tenu aujourd’hui pour une des premières manifestations d’une conscience nationale philippine. Comme nous le montrerons dans un troisième temps, le Mouvement de Propagande ne cherche pas seulement à faire connaître ses revendications, mais à se concilier la sympathie des Espagnols, et c’est ce dessein que servent aussi les figures des vaincus. Car le Mouvement de Propagande, dans les années 1880, aspire avant tout à la reconnaissance de l’Espagne. C’est dans cette perspective qu’il interprète ici la défaite comme une allégorie.