L’autorité comme élément structurant du vécu dans la casa traditionnelle du Haut-Aragon
Résumé
Dans le Haut-Aragon, l’institution de la casa structura la vie familiale dans un contexte socio-économique particulier. À la fois propriété et exploitation, elle sous-entendait un espace aux dimensions variables que l’on habitait et que l’on vivait au sens propre comme au sens figuré. Objet de droit marqué par la coutume, elle fut patrimoine et identité qu’il fallait préserver et transmettre dans le respect de normes séculaires incontournables.
La casa, comme toute organisation traditionnelle fortement structurée, impliquait des règles et des comportements sociaux fruits d’une éducation, une forte hiérarchie et l’exercice d’une autorité qui était davantage à son service qu’au service des individus qui la composaient. Elle était un lieu occupé, exploité et vécu sous le signe de l’habitude. Son avenir dépendait d’une volonté marquée de maintenir et préserver un mode de vie et un patrimoine. L’héritage matériel et immatériel qu’il fallait transmettre dans les meilleures conditions était donc une des préoccupations majeures des maîtres des lieux.
À la tête de la casa se trouvait l’amo, secondé par son épouse, la dueña. Ces deux figures, qui étaient chargées d’administrer et d’assurer ordre et continuité, exerçaient un pouvoir fort, induisant un rapport autorité-soumission intégré depuis l’enfance, et généralement accepté par les membres d’une même famille (famille au sens large) vivant sous un même toit et sous la protection des maîtres des lieux. Dans cet espace éminemment organisé, chacun (maître et maîtresse des lieux, ereu, choben, tiones, tionas, enfants) avait une place définie, relevait d’une condition établie et conventionnelle, d’espaces mentaux spécifiques qui n’excluaient pas cependant quelques singularités ou entorses aux règles établies et de possibles conflits.
L’autorité au sein de la casa délimitait les espaces d’intervention et d’existence des membres de la famille et leurs limites ou frontières physiques et mentales. La réputation de la casa jouait aussi un rôle important en matière d’autorité vis-à-vis du voisinage, du monde extérieur. En effet, la casa était appelée à être autorité et donc ascendance aux yeux de la communauté villageoise, notamment par sa richesse ou par le comportement et la droiture des gens qui l’intégraient dans un jeu où le paraître, comme il advient dans toute société, comptait parfois davantage que la réalité dans une quête très humaine de considération et de respect.
L’évolution démographique, socio-économique et culturelle au cours de la seconde moitié du XXe siècle a fait disparaître l’institution dans sa forme « traditionnelle ». L’exode rural, l’éclatement des noyaux familiaux et la généralisation de nouveaux modes de vie ont mis à mal sa structure interne, l’exercice codifié d’une autorité et les modes de transmission du patrimoine. Cependant, elle reste bien une référence identitaire pour bon nombre d’Aragonais qui implique fierté et sentiment d’appartenance.
Mots-clés : autorité ; sociétés ruralités ; us et coutumes ; identité.
En el Alto Aragón, la institución de la casa estructuró la vida familiar en un contexto socioeconómico particular. A la vez propiedad y explotación, sobrentendía un espacio de dimensiones variables que se habitaba y se vivía en sentido propio como figurado. Objeto de derecho marcado por la costumbre, era patrimonio e identidad que había que preservar respetando normas seculares e ineludibles.
La casa, como cualquier otra organización tradicional fuertemente estructurada, implicaba la existencia de normas y comportamientos sociales que eran el fruto de una educación, una fuerte jerarquía y el ejercicio de una autoridad que estaba más a su servicio que al servicio de los individuos que la integraban. Era un lugar ocupado, explotado y vivido bajo el signo de la costumbre. Su futuro dependía de una voluntad marcada de mantener y preservar un modo de vida y un patrimonio. La herencia material e inmaterial que había que transmitir en las mejores condiciones era pues una de las principales preocupaciones del amo.
El amo, secundado por su esposa, la dueña, se hallaba al frente de la casa. Estas dos figuras, encargadas de administrar y asegurar un orden y una continuidad, ejercían un poder fuerte que inducía una relación autoridad-sumisión integrada desde la niñez, y por lo general aceptada por los miembros de la familia (familia en sentido amplio) que vivían bajo la protección de los amos. En ese espacio eminentemente organizado, cada cual (amo, ama o dueña, ereu, choben, tiones, tionas, niños) ocupaba un sitio definido, se enmarcaba en un ámbito establecido y convencional, en espacios mentales que sin embargo no excluían algunas singularidades o transgresiones al orden establecido y posibles conflictos.
La autoridad en el seno de la casa delimitaba los espacios de intervención y existencia de los miembros de la familia y sus límites o fronteras físicas y mentales. La reputación de la casa desempeñaba también un importante papel respecto al vecindario y al mundo exterior. Efectivamente, la casa estaba destinada a ser autoridad y pues ascendiente desde la perspectiva de la comunidad aldeana, en especial por su riqueza o el comportamiento y la rectitud de sus componentes en un juego en que el parecer, como ocurre en cualquier sociedad, importaba a veces más que la realidad en una búsqueda muy humana de consideración y respeto.
La evolución demográfica, socioeconómica y cultural a lo largo de la segunda mitad del siglo XX hizo desparecer la institución bajo su forma “tradicional”. El éxodo rural, la disgregación de los núcleos familiares y la generalización de los nuevos modos de vida debilitaron su estructura interna, el ejercicio codificado de una autoridad y los modos de transmisión del patrimonio. No obstante, la casa sigue siendo hoy una referencia identitaria para muchos aragoneses, un patrimonio que implica orgullo y sentimiento de pertenencia.
Palabras clave: autoridad; sociedades rurales; usos y costumbres; identidad..