Industrie du spectacle et tyrannie du corps dans Friquis (2016) de Fernando Lobo: le graal de la beauté (fatale)

  • Cathy Fourez Univ. Tours, EA 6297 - ICD-Interactions Culturelles et Discursives, F-37000 TOURS, FRANCE

Résumé

Le capitalisme appréhende le corps comme une entreprise physique capable de produire, grâce au fétichisme de la marchandise, la valeur esthétique et sociale de chaque individu. Vêtements de marque, cosmétiques, chirurgie plastique sont financièrement investis pour conquérir un style destiné à contenter au mieux les intérêts, non pas de l’individu mais bien du client et surtout de la cliente. Celle-ci, loin de se façonner sa propre image, se voit dicter le corps du correct, du désirable, symbole d’un bien-être allié à la diététique, ou le corps de la perfection, symbole d’une réussite sociale tablée sur l’exploit de l’apparence. Dans ce rapport au corps élevé au titre de capital remaniable, rentable et fructifiant, et reconnu comme gage de succès pour se faire une place dans le monde, se manifeste une surreprésentation du corps féminin. Tout en ayant acquis des pouvoirs de décision, plus de liberté sur son allure et sa façon de l’exposer, ce corps reste prisonnier d’un idéal, ici de beauté globalisée et commercialisée, qui exige toujours plus des femmes tant sur le plan physique que sur le plan financier, et qui n’est pas forcément là pour exaucer leurs désirs et leur donner du plaisir mais pour satisfaire ceux des hommes. Cet impératif à singer le corps à la mode pour être heureuse, séduire, triompher, soutenu par un matraquage publicitaire audiovisuel qui vend du féminin sous ses aspects les plus improbables, assujettit les femmes en les assignant à des rôles de consommatrice et d’objets de consommation.

Fernando Lobo, dans son roman Friquis (2016), observe comment être une femme et faire du télé-divertissement mettent en jeu un corps sous contrat et sous contrainte, et cela sous les traits d’une diva, Tania. Âgée d’une cinquantaine d’années, star du petit écran de la chaîne privée la plus puissante du Mexique, cette dernière devient, à la suite de l’échec de sa énième opération de rhinoplastie, la protagoniste d’un reality show qui se propose en une semaine de lui restituer un nez, divin. De cette reconstruction plastique vont émerger diverses histoires, lesquelles, entre vengeances, coups bas et règlements de comptes, affichent la nocivité de la société de spectacle telle qu’elle fut théorisée par Guy Debord. Ici, le spectacle concerne certaines émissions de télé qui fétichisent et mettent en compétition les corps des animateurs formatés par des logiques publicitaires qui soutiennent un média audiovisuel prêt à tout dans la course à l’audience. Dans sa course à une perfection jamais inachevée de son visage – qui est par métonymie le visage de l’idiotie collective – Tania, quoique disposant d’une certaine autorité au sein de la chaîne « Telemanía », n’échappe pas à ce que les hommes veulent et font d’elle. « Là où il y a trop de Femme » (Bertini, 2002 ; 31), déclare Marie-Joseph Bertini, « il n’y a pas assez de femmes ». De la « Femme », nous dit Fernando Lobo, la télé mexicaine de diversion en est une grande pourvoyeuse ; elle y exhibe des femmes hyper-sexualisées, hyper-féminisées, soumises aux regards et désirs masculins qui ont profité de la libération du corps des femmes pour, dans et avec le vedettariat, les dompter autrement. Fernando Lobo, dans un monde où le paraître détermine les êtres, analyse la violence de la culture-marchande du physique. Il travaille les stéréotypes de la féminité et de la masculinité pour, en partie, en afficher les énormités et la pression qu’ils exercent sur l’existence des gens, sans pour autant remettre en cause la binarité du genre.

Mots-clés : littératures policières ; Mexique ; société du spectacle ; diktat de la beauté ; rôles de genre.

 

El capitalismo concibe el cuerpo como una empresa física capaz de producir, gracias al fetichismo de la mercancía, el valor estético y social de cada persona. Ropa de marca, cosméticos, cirugía plástica se invierten económicamente para conquistar a lo sumo un estilo destinado a satisfacer no los intereses del individuo sino del cliente, y sobre todo de la clienta. Esta última, lejos de moldear su propia imagen, debe someterse al cuerpo correcto, deseable, símbolo de un bienestar combinado con lo saludable, o al cuerpo de la perfección, símbolo del éxito social basado en la hazaña de la apariencia. En esta relación con el cuerpo, elevado a la categoría de capital remodelable, rentable y fructífero, y reconocido como garantía de éxito para asegurarse un buen sitio en el mundo, el cuerpo femenino está sobrerrepresentado. Aunque ha adquirido poder de decisión y más libertad sobre su aspecto y su forma de exponerse, este cuerpo sigue siendo prisionero de un ideal, en este caso, de belleza globalizada y comercializada, que exige cada vez más de las mujeres, tanto física como financieramente, y que no está necesariamente ahí para satisfacer sus deseos y darles placer, sino para complacer a los hombres. Este imperativo de imitar el cuerpo de moda para ser feliz, seducir y triunfar, respaldado por un bombardeo publicitario audiovisual que vende lo femenino en sus aspectos más inverosímiles, subyuga a las mujeres asignándoles roles de consumidoras y objetos de consumo.

Fernando Lobo, en su novela Friquis (2016), observa cómo ser mujer y ser presentadora de un programa de entretenimiento televisivo implican un cuerpo bajo contrato y bajo coacción, y ello mediante una cincuentona, Tania Monroy, estrella del canal privado más potente de México. Tania se convierte, tras el fracaso de su enésima operación de rinoplastia, en la protagonista de un reality show que se propone restituirle, en una semana, una nariz, divina. De esta reconstrucción plástica surgirán diversas historias que, entre venganzas, golpes bajos y ajustes de cuentas, muestran la nocividad de la sociedad del espectáculo tal y como fue teorizada por Guy Debord. Aquí, el espectáculo concierne a ciertos programas de televisión que fetichizan y hacen entrar en competencia los cuerpos de los locutores formateados por lógicas publicitarias, las cuales sostienen un medio audiovisual dispuesto a todo en la carrera por la audiencia. En su carrera por la jamás inacabada perfección de su rostro –que es por metonimia el rostro de la idiotez colectiva– Tania, si bien goza de cierta autoridad en el seno del canal “Telemanía”, no escapa a lo que los hombres quieren de ella y hacen de ella. “Donde hay demasiada Mujer” (Bertini, 2002; 31), comenta Marie-Joseph Bertini, “no sobran mujeres”. La televisión mexicana es una gran proveedora de la “Mujer”, opina Fernando Lobo; pero exhibe a mujeres hipersexualizadas, hiperfeminizadas, sometidas a las miradas y los deseos masculinos que han aprovechado la liberación de su cuerpo para, en y con el Star System, amaestrarlas de otra manera. Fernando Lobo, en un mundo donde la apariencia determina a los seres, analiza la violencia de la cultura mercantil del físico. Desmenuza los estereotipos de la feminidad y de la masculinidad para, en parte, enseñar las enormidades y la presión que ejercen sobre la existencia de las personas, sin por ello cuestionar el binarismo de género.

Palabras clave: literaturas policíacas; México; sociedad del espectáculo; dictado de la belleza; Rroles de género.

Publiée
2024-01-17
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