Dans la première édition de L’invention de l’Amérique. Mythes et réalités de la Conquête (1992) qui ouvrit de nouveaux horizons et vivifia la recherche américaniste, dans le sillage d’un « marin connaisseur d’archives, expert en matière d’aventure américaine (intellectuelle et vécue) » ainsi que Jeanne Chenu définissait l’auteur de l’ouvrage dans le compte rendu qu’elle en fit alors, Thomas Gomez écrivait :
Ce livre doit beaucoup – tout devrais-je dire – aux maîtres de l’américanisme. Ils sont trop nombreux pour être cités tous et je ne voudrais porter ombrage à aucun d’eux en commettant quelque oubli. Cependant, ce que je dois à John H. Parry, Francisco Morales Padrón, Sergio Villalobos, Irving A. Leonard, Charles Verlinden, Pierre Chaunu et quelques autres, est trop important pour être passé sous silence. Mes anciens professeurs Jean-Pierre Berthe, Georges Baudot et Bartolomé Bennassar y trouveront aussi leur empreinte.
La curiosité de mes étudiants – ceux de première année comme ceux de l’université Inter-Âges – pendant le temps où j’ai moi-même enseigné à la Sorbonne m’a beaucoup stimulé dans la réalisation de cet ouvrage. Celui-ci n’a d’autre ambition que de répondre à certaines de leurs interrogations et de les aider à s’initier à la passionnante histoire de l’Amérique. Il voudrait aussi faire découvrir cette dernière à un vaste public à travers des aspects parfois insolites ou mal connus et grâce à un récit accessible à tous.

Amour de la connaissance, goût de l’histoire, passion de la recherche qui ne l’a jamais éloigné de l’enseignement, à tous les niveaux et envers tous les publics, conscience de cette chaîne que constitue la transmission des savoirs et les indispensables maillons que sont les hommes qui en ont la charge.
Donnant corps à cette démarche, le 12 octobre 2001, Thomas Gomez a créé le GRECUN – Groupe École Culture, Nation dans le monde ibérique, ibéro-américain et méditerranéen – en tant qu’axe de recherche au sein du Centre de Recherches Ibériques et Ibéro-américaines de l’Université de Paris Ouest Nanterre. Ce groupe, qui a réuni plusieurs dizaines de chercheurs provenant de différents domaines des sciences humaines, a développé une réflexion et des activités scientifiques autour de l’École primaire et secondaire, comme matrice possible de la Nation. De la fécondité de cette problématique qui déborde largement le cadre de l’Amérique ibérique témoignent les deux forts volumes publiés en 2005 et 2011 sous le titre École, culture et nation.
C’est dans la perspective de prolonger les travaux du GRECUN qu’une réflexion sur l’accumulation, la transmission, la récupération et la sauvegarde des savoirs par l’institution universitaire, par des groupements ou des associations – pistes moins explorées par les chercheurs jusqu’à maintenant – a été retenue pour rendre hommage au Professeur Thomas Gomez. Les 16 et 17 octobre 2014 s’est ainsi tenu à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense un colloque international intitulé Universités, académies littéraires et bibliothèques dans les mondes ibérique, ibéro-américain et méditerranéen du XVIIIe siècle à nos jours, organisé par le Centre de Recherches Ibériques et Ibéro-américaines (EA 369), sous la responsabilité de Catherine Heymann, Nathalie Jammet-Arias et Alvar de La Llosa, avec le soutien de l’UFR de Langues et Civilisations Étrangères et du Service des Relations Internationales. Le présent volume réunit l’ensemble des communications de ce colloque, enrichi de plusieurs contributions d’enseignants-chercheurs, désireux de témoigner leur amitié à Thomas Gomez.

Reflet des échanges des deux côtés de l’océan Atlantique et de la circulation des savoirs ainsi que des circuits qui les permettent, l’introduction à l’ouvrage offre une magistrale synthèse sur le rôle de l’écrit et de l’imprimé dans la construction de l’espace culturel français en Amérique du Sud (J.Y. Mollier). S’y trouvent détaillées les spécificités de la France par rapport aux autres nations européennes, en particulier les activités éditoriales au XIXe siècle, époque où Paris se transforme en un véritable « carrefour des langues et des cultures ».
Les rapports, très fluctuants, entre le savoir et le pouvoir ou les savoirs et les pouvoirs font l’objet des trois premières études. Centre de rayonnement culturel à l’époque nasride, Grenade, qui à l’aube du xvie siècle connut une traversée du désert avant de se voir dotée d’une université, se transforma au fil du temps. Elle constitue un cas unique dans l’histoire de l’Espagne qui permet de dresser l’évolution des liens entre culture et politique sur une période longue (C. Gaignard). Les deux autres articles ont trait au domaine de prédilection de Thomas Gomez : la Nouvelle-Grenade. Ils dessinent les contours des interactions entre les individus et les contextes culturel, social, économique et politique. Dans le premier cas, il s’agit de mesurer le cheminement contrasté, dans l’espace et dans le temps, des nouveaux savoirs et des acteurs qui les portèrent dans la période qui précéda de peu les premières manifestations de résistance au pouvoir colonial mais aussi de rendre compte de la dimension « militante » de ce combat pour la science (J. Chenu). Dans le second cas, à travers l’évocation de la traduction/interprétation en espagnol par Antonio Nariño d’un texte dont la circulation était interdite dans les vice-royautés espagnoles – la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen – et à travers l’analyse de la défense qu’en fit le grand érudit néo-grenadin lors des poursuites pénales qui s’ensuivirent, il est donné au lecteur d’apprécier la portée d’un document essentiel dans la formation d’une identité créole (J.E. González).
La seconde section a trait aux rapports entre l’École – envisagée dans ses différents degrés – et l’État. Il s’agit d’analyser plus particulièrement les choix idéologiques et politiques dans lesquels le système éducatif s’est trouvé impliqué à l’époque de la construction ou de la consolidation des États-nations en Amérique espagnole. Tel fut le cas de la fondation de l’Université du Chili, dont le premier recteur fut le Vénézuélien Andrés Bello, illustre figure des lettres américaines. Dans son discours d’inauguration en novembre 1843, il soulignait l’importance de la construction des savoirs et de la supervision de l’enseignement primaire, insistant sur le lien entre université et société. L’analyse détaillée du contenu des Anales de la Universidad de Chile fournit nombre de renseignements sur les fonctions assignées à l’Université, son fonctionnement et sa production (N. Jammet-Arias). Un autre exemple est celui de l’Équateur avec la réouverture de l’Université Centrale par le régime progressiste (1883-1895), ambitieux projet de modernisation fondé sur l’amélioration des conditions matérielles de l’Université et la priorité donnée à l’enseignement scientifique et technique, en particulier en Agronomie. Cet élan modernisateur s’inscrit plus largement dans le projet de construction nationale visant à permettre une meilleure insertion du pays sur le marché international, en profitant de l’essor des exportations de cacao (A. Medina). L’Équateur encore avec l’apparition, en 1901, des « jardins d’enfants », réalisés grâce aux efforts de Luis Vicente Torre. L’introduction de ce modèle éducatif par un prêtre équatorien, en pleine Révolution libérale, permet de mieux cerner les relations qui se mirent en place entre l’État et l’Église à partir de 1895, période à partir de laquelle s’opéra la sécularisation des structures de l’État (E. Sinardet). D’« apôtres laïcs » du régime libéral, il est aussi question dans la Bolivie du début du XXe siècle qui s’employa, non sans rencontrer des difficultés et des résistances, à constituer, organiser et étatiser un corps enseignant professionnalisé avec la création d’instituts spécialisés, sur le modèle des Écoles normales européennes (F. Martinez). Enfin, pour l’époque contemporaine, une comparaison entre la Colombie et l’Espagne montre que ces deux pays, en dépit de différences notables, partagent des problématiques notamment sur les effets des politiques économiques, actuellement appliquées dans ces deux pays. Dans un contexte d’économie de marché et de la connaissance, les conséquences de ces politiques s’avèrent néfastes pour le service public en général et pour les systèmes éducatifs de ces nations en particulier (S. Ospina et M. Pujol).
La troisième section s’intéresse aux formes, aux acteurs et aux vecteurs de la transmission et de la diffusion de la culture en Espagne et au Mexique. Un article offre une synthèse des principaux éléments qui permettent de mieux comprendre comment le franquisme a utilisé l’enseignement de l’histoire pour légitimer et, ce faisant, consolider son pouvoir, lors de ses premières années d’existence : transformation du cadre et du système éducatif, élaboration de mythes servant à renforcer l’image et l’identité du régime, intégration de nouveaux professeurs d’histoire à l’Université, qui devaient suivre, ou feindre de suivre, les principes du régime (A. Román Antequera). Celui qui fut maire de Madrid de 1979 à 1986, Enrique Tierno Galván, fait l’objet d’une polémique qui renvoie à une période de la vie de cette figure emblématique de la Movida : celle où il était professeur de Droit politique à l’Université de Murcie, de 1948 à 1953. L’analyse met en évidence l’intérêt qu’il y aurait à envisager son autobiographie comme un « objet de discussion herméneutique » et un exercice rhétorique d’auto-mythification, réussi, par l’une des figures les plus populaires du franquisme tardif et de la Transition (J. Céspedes).
Le contrôle de la production et la diffusion de la connaissance, de la culture et l’instrumentalisation de l’histoire ne sont pas moindres dans le monde hispano-américain, en l’occurrence au Mexique. C’est ce qui ressort de la comparaison de deux institutions au XIXe siècle : une société savante et un établissement d’enseignement supérieur créé en 1781. Les recoupements entre les élites politiques, scientifiques et artistiques, ainsi que la vision de l’histoire mexicaine présentée par ces institutions et, dans le cas de l’Académie de San Carlos, la réception des propositions, sont ainsi mis en valeur (M. Lecouvey). Plus près de nous, l’introduction de nouveaux programmes scolaires en 1992 et la rédaction de nouveaux manuels d’histoire (1972-1989), confiée à un groupe d’édition privé, ont enflammé les esprits, mettant au cœur du débat l’écriture de l’histoire nationale. Faisant partie d’une nouvelle politique éducative, l’histoire du Mexique y était, en effet, construite au prisme des nouveaux enjeux du monde contemporain et de la doxa de l’économie libérale (D. Chine Lehmann).
Face à cette annexion de l’histoire par les pouvoirs officiels, des résistances et des contre-pouvoirs ont toujours existé. Ils font l’objet d’une quatrième section. Ainsi, en Colombie, en 1939, l’activiste nasa Manuel Quintín Lame rédigea-t-il Los pensamientos del Indio que se educó en las selvas colombianas dans lequel à travers un travail de recomposition historique il proclamait son droit à l’autoreprésentation et revendiquait la légitimité des luttes indigènes pour le territoire. Outre la remise en cause du projet national civilisateur des élites républicaines et du rôle des institutions chargées de sa diffusion, le texte de Lame engage aussi un processus de décolonisation épistémique (Ph. Colin). L’histoire de la Catalogne au XXe siècle, étudiée à travers l’existence d’associations privées et d’institutions officielles (ou clandestines dans les périodes de dictature de l’État espagnol) à finalité culturelle et à vocation éducative, l’analyse de leurs actions, de leur rôle et de leurs avatars sont un exemple de la permanence des résistances, notamment linguistiques (M. Camprubí). Toujours en Espagne, un regain d’intérêt pour les Missions pédagogiques de la Seconde République s’est manifesté, au début du XXIe siècle, à travers des documentaires, des expositions et des programmes radiophoniques. Il faut y ajouter, plus récemment, l’écriture de fictions (El club de la memoria et Todo lo que se llevó el diablo) qui revisitent cette aventure emblématique de la politique scolaire du premier bienio et veulent faire œuvre de pédagogie sociale dans l’Espagne contemporaine (Z. Carandell).
Une cinquième section est consacrée plus particulièrement à l’écrit, au livre et aux bibliothèques, tous termes chers à l’homme d’archives par excellence, à l’auteur de fictions et au directeur de collection que fut Thomas Gomez. Une enquête judiciaire réalisée en 2006 a révélé au grand public l’existence de plusieurs bibliothèques dans des lieux institutionnels ou dans des demeures personnelles appartenant au général Pinochet. Le questionnement sur l’origine, la nature et la quantité de livres réunis, parmi lesquels des ouvrages d’une grande valeur bibliographique – ce qui leur confère aujourd’hui un indiscutable intérêt économique – et l’étude des modes de financement éclairent d’un jour inédit la personnalité du général chilien (A. de la Llosa). Après avoir réalisé un état des lieux des initiatives éditoriales et du bilan des politiques culturelles (promotion du livre et de la lecture en particulier) dans le Chili post-dictatorial, l’analyse des discours qui les sous-tendaient permet de mesurer la portée et les limites de leur apport à la reconstruction démocratique du pays (S. Decante).
Comme en miroir à l’évocation initiale de la présence française en Amérique latine depuis le XIXe siècle, ce premier ensemble se ferme sur un très suggestif panorama du fonds bibliographique latino-américain (livres et manuscrits) de la Bibliothèque nationale de France depuis 1875 (année de l’entrée en vigueur d’une nouvelle classification) jusqu’au Boom de la seconde moitié du XXe siècle (F. Rodríguez López).

Un second ensemble, organisé autour de deux thématiques, complète cet hommage. La première Espaces et cultures articule politique et culture appréhendées à travers l’évocation de figures littéraires, de pratiques associatives et de représentations historiques dans les mondes hispanique, hispano-américain et méditerranéen.
Trois contributions rendent compte du complexe processus d’adaptation des modèles européens aux réalités hispano-américaines. C’est ce que montre l’étude de la première génération d’intellectuels et, en particulier, des idéologues du Salon Littéraire de 1837, dans les premières décennies qui suivent l’indépendance du Río de la Plata. Les enjeux de l’époque sont alors la construction d’une nation, la lutte contre la dictature de Juan Manuel Rosas et le sentiment de l’urgence qu’il y avait à forger l’indépendance esthétique du pays (A. Gasquet). À la même période à Cuba, dans ce qui demeurait une possession de l’empire espagnol, une figure littéraire cristallisait tout à la fois les craintes et les préjugés d’une époque mais aussi les rêves et les idéaux d’une élite intellectuelle qui luttait pour la libération des Antilles : celle du poète mulâtre, Gabriel Concepción Valdés, dont la critique très contrastée de l’œuvre poétique et de la vie fournit un riche matériau pour l’étude des imaginaires antillais (M. Guicharnaud Tollis). Un autre exemple de la circulation des savoirs et des techniques en même temps qu’un indice de la vitalité des utopies (et de la difficulté à les adapter) est donné par le Brésil esclavagiste du XIXe siècle. Constituant un terrain fertile pour le débat d’idées en raison de l’existence d’un important réseau associatif, le Pernambouc vit, au milieu du siècle, la publication de O Progresso, une revue sociale, littéraire et scientifique, d’inspiration fouriériste qui occupe une place singulière dans l’histoire de la presse brésilienne, voire même latino-américaine (Cl. Poncioni).
De l’importance de l’existence de réseaux et d’espaces de sociabilités pour comprendre la réalité sociale, l’étude de la franc-maçonnerie à Cuba, en tant qu’élément constitutif de ce maillage vers lequel convergeaient les élites havanaises, et plus globalement cubaines, fournit une série d’éléments suggestifs. Ainsi les liens de l’espace maçonnique avec d’autres réseaux, notamment celui qui se développa autour de la construction du chemin de fer dont l’influence fut décisive pour la consolidation institutionnelle de la franc-maçonnerie dans la capitale cubaine, en offrent-ils un exemple probant (D. Soucy).
Deux articles témoignent de l’intérêt des regards croisés. Dans la perspective d’approfondir l’examen des représentations ayant trait au lien colonial qui a uni Philippins et Espagnols pendant trois siècles, et de mieux comprendre le processus de récupération du legs historique, le recours à des sources, peu sollicitées, est ainsi examiné. Il s’agit de s’intéresser, autant que la documentation le permet, au regard que les Philippins, installés en Espagne ou restés dans l’archipel, portaient sur les Espagnols qui vivaient dans les îles et plus largement sur la société péninsulaire de la seconde moitié du XIXe siècle (H. Goujat). Autre regard croisé faisant l’objet d’une analyse est celui que porte le poète cubain, Nicolás Guillén, sur la Caraïbe insulaire et continentale, au XXe siècle, témoignant de sa capacité à cerner l’espace-temps du continent latino-américain et à envisager les formes et les limites de son intégration (Y. Thiao).
Ancrées dans le monde contemporain, deux études analysent l’impact du monde médiatique, l’une sur le monde politique et l’autre sur le monde sportif et conduisent à un questionnement sur l’histoire, la mémoire et l’identité. L’évocation à travers la presse française et espagnole de l’itinéraire de Federica Montseny, militante anarchiste, importante figure de l’histoire espagnole de la Seconde République, morte “oubliée” en 1994, fait apparaître, en France, les ambiguïtés du discours sur la violence et en Espagne, l’effacement de pans entiers de l’histoire récente lors de la Transition (M.C. Chaput). Désignant un système défensif très rigoureux, le catenaccio (verrou ou cadenas en italien) connote une attitude mentale identitaire, migrée des schémas tactiques du football, dans la société italienne de l’après-guerre jusqu’à la fin de la Première République des années 1990. À partir de cette métaphore, il s’agit de retracer l’impact de la mentalité footballistique et de son fonctionnement médiatique en Italie, à travers le débat sportif, intellectuel et politique (G. Gargiulo).

La seconde thématique porte sur Terres et productions. Une première contribution évoque le conflit social, opposant les titulaires du domaine direct et ceux du domaine utile pour la possession des terres, qui secoua le Nord et le Nord-Ouest de l’Espagne, dès la fin du XVIIe siècle et principalement durant les décennies centrales du XVIIIe siècle (P. Luna).
Les trois autres contributions ont trait, chacune, à l’utilisation et aux formes économiques et sociales de l’exploitation de certaines matières premières américaines du XVIe siècle au début du XXe. Les savoirs médicinaux européens furent ainsi confrontés à l’apparition de nouveaux remèdes d’origine américaine, à de nouvelles maladies et de nouvelles thérapeutiques. L’analyse des pratiques retracées dans les différents discours et traités des médecins d’Europe occidentale entre 1510 et 1580 fait apparaître des variations dans la réception et le degré d’incorporation selon les lieux d’expérimentation et l’expérience qu’en avaient les “médiateurs” (L. Bénat Tachot). Si l’insubordination d’esclaves fut toujours une source de tracas pour les propriétaires de plantations cacaoyères, les soulèvements à proprement parler semblent avoir été relativement rares au cours de la période qui suivit l’Indépendance, ce qui rend particulièrement significative l’analyse de deux révoltes, respectivement en 1837 et 1845, qui eurent lieu dans la région d’Ocumare de la Costa (Venezuela). Elles éclairent d’un jour nouveau le type très particulier du lien entre maîtres et esclaves dans le contexte de la production de cacao de l’après-Indépendance (N. Harwich). Si des politiques d’exploration et de colonisation de la Selva furent conduites dans le Pérou républicain dès les années 1840, ce fut l’explosion de la demande du caoutchouc qui permit à l’Oriente d’acquérir une visibilité nationale et internationale. La leyenda del caucho (1906) du Liménien Carlos Amézaga consacra la réalité du nouvel espace économique, le choix du mode épique soulignant le rôle de nouvel Eldorado assigné à la région nord-orientale dans l’imaginaire collectif (C. Heymann).

Puisse cet ensemble d’articles refléter le respect de la communauté scientifique pour le travail de l’historien, les vertus du pédagogue, le talent de l’auteur et le brio de l’homme de conviction que fut Thomas Gomez.


Catherine HEYMANN
Nathalie JAMMET-ARIAS
Alvar de la LLOSA

 

 SOMMAIRE

 

Alvar DE LA LLOSA et Itamar OLIVARES – Hommage

Catherine HEYMANN, Nathalie JAMMET-ARIAS et Alvar DE LA LLOSA – Présentation

Jean-Yves MOLLIER – Le rôle du livre et de l’imprimé dans la construction de l’espace culturel français en Amérique du sud

 

Savoirs et pouvoirs

Catherine GAIGNARD – La diffusion du savoir à Grenade, du règne de Charles Quint à l'avènement des Bourbons

Jeanne CHENU – Savoir et pouvoir en Nouvelle-Grenade (1760-1810) : une passion insatisfaite

Jorge E. GONZÁLEZ – La interpretación de Antonio Nariño sobre Los derechos del hombre y del ciudadano en los inicios de la emancipación de la Nueva Granada

 

École et État

Nathalie JAMMET-ARIAS – L'Université du Chili pendant le rectorat d'Andrés Bello (1842-1865) : un appareil idéologique de l’État chilien…

Alexis MEDINA – «Saldrá de esta Universidad una juventud honrada, inteligente y laboriosa» : le projet de modernisation de l’Université Centrale de l’Équateur pendant la période progressiste (1883-1895)

Emmanuelle SINARDET – L’introduction de la pensée fröbelienne en Équateur (1900-1908) : Révolution pédagogique et révolution libérale

Françoise MARTINEZ – Enseigner à enseigner : une histoire des « Écoles Normales » et de la formation enseignante en Bolivie

Mercè PUJOL et Santiago OSPINA – Globalización y transformación de la Universidad. Miradas cruzadas España-Colombia

 

Formes, acteurs et vecteurs de la transmission

Alejandro Román ANTEQUERA – L'enseignement de l'histoire dans les premières années du franquisme

Jaime CÉSPEDES – Enrique Tierno Galván en la Universidad de Murcia (1948-1953)

Marie LECOUVEY – Servir la nation, pas le gouvernement ? La Sociedad Mexicana de Geografía y Estadística et la Academia de San Carlos entre 1849 et 1876

Dalila CHINE LEHMANN – Quand les « spécialistes » mexicains s’emparent de l’Histoire : élaboration des manuels scolaires et enjeux nationaux

 

Résistances

Philippe COLIN – Territoire, mémoire et décolonisation des savoirs dans Los pensamientos del indio que se educó en las selvas colombianas de Manuel Quintín Lame

Zoraida CARANDELL – Les Missions Pédagogiques, du récit d’hier au roman espagnol d’aujourd’hui : transmettre et repenser l’héritage culturel républicain

Michel CAMPRUBI – Le cas catalan : associations et institutions de sauvegarde et récupération de la langue du pays (XXe siècle)

 

De l'usage des livres et des bibliothèques

Alvar DE LA LLOSA – De la Biblioteca a la Academia, o formación y uso de la biblioteca no tan secreta de un « augusto » general chileno que pretendía ser experto en Geopolítica 247 C1-2 Stéphanie Decante – Del Fondo del Libro a la Furia del Libro: de la función asignada al papel desempeñado (1989-2015)

Fabiola RODRÍGUEZ LÓPEZ – Presencia de la literatura latinoamericana en la Biblioteca nacional de Francia. Breve visión de conjunto de 1875 hasta el Boom

 

Varia

Espaces et cultures

Axel GASQUET – El pensamiento ilustrado y el romanticismo en el Río de la Plata: modernidad y vanguardia estética en el Salón Literario de 1837

Michèle GUICHARNAUD-TOLLIS – La invención de América: el poeta cubano Plácido en los imaginarios antillanos

Claude PONCIONI et Georges ORSONI – Fourier sous les tropiques : la revue O Progresso dans le Pernambouc du XIXe siècle

Dominique SOUCY – Logias sobre raíles. El impacto del ferrocarril en la disputa por la hegemonía masónica en la isla de Cuba (1850-1880)

Hélène GOUJAT – El desencuentro colonial entre españoles y filipinos en la segunda mitad del siglo XIX: entre realidad y representación

Yopane THIAO – La Caraïbe à travers les écrits de Nicolás Guillén

Marie-Claude CHAPUT – Federica Montseny (1905-1994) : vers la fin d’un oubli ?

Gius GARGIULO – Défendre le score. Vivre et raconter le foot comme tragédie

 

Terres et productions

Pablo LUNA – Terre et droit en Galice au milieu du XVIIIe siècle : entre le « manifiesto legal » et la « natural razón »

Louise BÉNAT-TACHOT – Entre tradición y experiencia: la emergencia del saber americano en la farmacopea europea

Nikita HARWICH – Tumulte dans la cacaoyère : révoltes d’esclaves à Ocumare de la Costa (Venezuela), 1837 et 1845

Catherine HEYMANN – Oriente péruvien et construction nationale dans La leyenda del caucho de Carlos Amézaga

Publiée: 2018-02-17